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Relativisation
Bonjour à tous ! Cette fois, nous vous proposons un petit jeu made in Créatorium. Le principe est abordable : dire, en quelque sorte, le contraire de ce que l'on pense. Mais il ne s'agit pas juste de remplacer les mots par des antonymes ! Vous devrez décrire quelque chose d'agréable selon un point de vue péjoratif, et inversement. Lorsqu'on l'a testé pour vous, nous avons passé du temps à choisir le moindre de nos mots… Vous êtes inspirés ? Allez, un tout petit exemple avant de vous lancer…
Une texture pâteuse qui collait au couteau comme la tourbe à la semelle d'une chaussure, luisante, à la surface déformée tels des écueils marronâtre, et dont quelques résidus de cette même couleur nauséeuse formaient des croûtes dures et sèches sur les bords du pot.
Eh oui ! Désolés de dégrader votre cher pot de Nutela ! Alors ça y est, vous avez compris l'exercice ? Parfait ! Bonne écriture !
…Vous êtes encore là ?
Ah oui, j'oubliais : Voici nos textes à nous ! K. avait pour mission de dégrader quelque chose de beau, et D.B lui devait faire l'inverse.
Bonne lecture mais par-dessus tout, bonne écriture !
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Il l'observait, elle le savait très bien, elle le sentait. Elle sentait la bruine froide de son regard pleuvoir sur son corps, sentait sa désagréable caresse sur sa silhouette ; elle sentait ses yeux qui venaient scruter son visage de leurs pupilles couleur charbon, tranchant violemment comme une tâche encre dans le bleu fade de leurs iris rondes. Les bras appuyés au bar, le frais du verre lui glaçant le bout des doigts, elle l'épiait discrètement, lui qui la dévorait sans gène, et pouvait voir l'éclat agressif dont la lumière parait ses prunelles sous ses cils redessinant ses paupières à l'air comme endormies, mornes, alors que lui-même adoptait cette horripilante expression détachée. Ses sourcils sombres légèrement tombant taillaient son arcade comme deux cicatrices suppurées et noires. Elle fut parcouru d'un frisson de dégoût. Ses cheveux avaient la couleur du terreau, couleur des fourrures sales et drues de ces animaux sauvages dans les forêts d'hiver ; ils étaient ébouriffés, peut-être même encore légèrement humides et imprégnés d'une infecte effluve de shampooing pour homme… elle voyait ses joues à la peau crayeuse être piquetées par les poils durs d'une barbe de quelques jours comme si autant de minuscules tiques incrustaient sa peau, de ses tempes jusqu'au sillon disgracieux de son nez petit et grossièrement droit. L'ovale enfantin de son menton mal rasé reposait dans sa grande main masculine qui jetait sur son visage d'autres ombres, renforçant encore ses traits désagréablement fins, et sur la répugnante pomme de son cou qui glissait fréquemment de haut en bas alors qu'il déglutissait, telle une énorme sarctope roulant et déformant sa nuque. Elle jeta un coup d'œil méprisant à son t-shirt exagérément près du corps qui laissait deviner, d'une ombre, la forme trop brute de ses pectoraux… Le creux malvenu de sa clavicule, la forme imparfaite de son oreille, le granulé presque rocailleux de sa chair, la peau duvetée de son avant-bras musclé reposant sur le bar… Et il continuait, sans répit, de la bouffer du regard. Ses yeux si souillés d'intense désir et luisant d'exaspérante affabilité ne voyaient-ils pas combien les siens étaient empli de profond dégoût ? Mais le pire n'était pas cet air ridicule à la fois détaché et salement intéressé, ni son visage au moindre détail déplaisant, ni même son corps dont la simple idée de l'odeur de déodorant, de sueur et de savon la rendait suffocante ; le pire était sans nul doute ce sourire, son sourire en coin, discret et manquant cruellement de franchise, comme s'il essayait de le retenir. Curieux. Inquisiteur. Ecœurant. Taquin ? Défiant, il flottait sur ses lèvres fines au dessin outrageusement net, à la courbe tordue en affinant les extrémités, au bord tressaillant, creusé au coin d'une ombre laide… Ce sourire abhorrable lui paraissait être la pire torture à contempler, et plus elle le détaillait, plus elle le voyait d'immonde plaisir s'intensifier. Elle sentait tout son organisme frissonner. Ce regard posé sur elle était une vague nauséeuse, un torrent de répugnance.
Comme au ralenti, elle observa le serveur lui apporter les deux mojitos qu'il avait commandé plus tôt ; le mal de cœur la malmenait, mêlé de mépris et d'une indicible envie de fuir, alors qu'elle le vit qui lentement s'approchait du tabouret vide à côté d'elle.
~K.
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Allongée, immobile et bercée des flots, elle semblait dormir.
Tout son visage était comme sculpté dans un globe de cristal déposé sur son écrin de sable, frêle et craquelé mais d'une délicatesse extrême ; ses pommettes saillaient, brillantes, moirant le reflet de l'eau et les coulures du soleil, si fragiles qu'un soupir eût suffit à les briser. Ses lèvres, entrouvertes sur l'absolu, avaient l'apparence d'ourlets de soie marqués de plis forcés ; l'envie de les toucher n'était qu'un prétexte de les voir s'effriter sous la pulpe de nos doigts tant leur texture frôlait l'irréel. Ses yeux était gorgés de l'océan, mais d'un océan calme, placide, masqué sous une lourde brume perpétuelle fine comme de la poudre.
Des grains de sable mouchetaient le velouté liquide de sa peau, si liquide qu'on eût dit qu'il s'estompait au contact de l'eau, ne laissant apparaître qu'un entrelacs de veinules d'un bleu plus profond comme autant d'algues gelées venues de mers interdites. L'écume auréolait son cou, imprimait dans la grève satinée de rosée l'empreinte de son corps, s'agglutinait autour de chacun des filets pourpres qui ceignait son visage d'une couronne de feu ; le soleil s'y accrochait, s'y baignait, y concentrait sa lueur, s'y perdait, dominé par l'ivresse et l’appétence, sans qu'il pût un instant cesser d'y déverser ses lumières. Mais jamais cette chevelure ne gagna en clarté, jamais son érubescence n'atteignit des nuances autres que celle, immuable et indélébile, qui la colorait en l'instant. Jamais rien d'autre au monde n 'eût su capter la lueur de mille et un brasiers dans le moindre de ses cheveux. Rien.
Une brise enchantée vint agiter les pans de sa chemise blanchie. Voiles soumises aux souffles d'entités irascibles, elle dessinèrent sur ses flans les ombres démultipliées de houles figées. Elles s'engouffraient entre leur galbe, muettes, comme appelées de l'intérieure, en accentuaient le relief de vagues qui se muèrent ainsi en collines, s'élargirent alors en monts, véritables phalanges qui, couplée à leur jumelle, formaient deux mains merveilleuses repliées sur son coeur à jamais glacé. Ça et là, le fin tissu opalin de sa peau, marqué de racines violines, s'ouvrait sur un roc dénué d'aspérités, aussi lisse qu'un ciel d'été et aussi chaste qu'une pleine lune.
Allongée, immobile et bercée des flots, elle semblait dormir.
Elle avait les courbes hachées d'une danseuse, la sveltesse d'une danseuse, le port et les gestes d'une danseuse. Ses jambes, d'une finesse inégalée, étaient largement écartées, courbés en de angles experts, ses pieds partiellement recouverts de la plage d'où brillaient de minuscules coquillages. Ses bras se hissaient à la conquête de la tiare cinabre sans parvenir la toucher, les doigts déliés, confondus parmi les grains.
Tout son corps répondait au chant de la mer.
Et, dans quelques temps mystérieux, l'océan viendra et elle dansera à nouveau.
~D.B
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